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  • Haïr la Palestine.

    UJFP L'UJFP Notre identité Union Juive Française pour la Paix : qui sommes-nous?, nous contacter, nos activités, nos amis Engagements et analyses Informations, débats, contestations,etc... les luttes antiracistes et pour l’égalité des droits ici et là-bas, les évènements, les enjeux, les dossiers c Mabny Lil-Majhoul 19/06/22 Analyses, opinions & débats AccueilAnalyses, opinions & débatsHaïr la Palestine Sionisme et effacement Mabny Lil-Majhoul paru dans lundimatin#341, le 30 mai 2022 De retour de Palestine, Mabny Lil-Majhoul part de l’assassinat de la journaliste Shirine Abou Aqleh par les forces d’occupation israéliennes à Jénine et de quelques anecdotes récemment vécues, cela afin de plonger dans l’histoire du sionisme et de la colonisation. Une réponse virulente mais aiguisée à un article de Stéphane Zagdanski publié dans lundimatin l’année dernière : Penser la Palestine. Year after year L’assassinat de la journaliste d’Al-Jazeera Shirine Abou Aqleh par les forces d’occupation israéliennes à Jénine, le mercredi 11 mai 2022, a donné à la question palestinienne sa petite lucarne annuelle de visibilité dans le Nord global. Ainsi va la vie. En 2021, c’était le sanglant épisode causé par la tentative d’occupation du quartier de Sheikh Jarrah par des colons juifs et les provocations policières à Al-Aqsa. En 2020, le tragi-comique plan Trump et les normalisations des monarchies et émirats arabes corrompus avec Israël. En 2018, l’arrestation d’Ahed Tamimi. Ahed, certes, était Palestinienne, mais blonde et non-voilée. C’est assez pour semer la dissonance cognitive dans le Nord global, qui frémit d’une passagère mais sincère émotion pour cette jeune fille qui aurait mérité d’être Ukrainienne. Et ainsi pourrions-nous remonter, d’année en année, jusqu’en 2000, ou en 1987, ou en 1973, ou en 1967, ou en 1948. Ainsi, tristement, va la vie. Chaque année, donc, pendant quelques jours, au mieux quelques semaines, on bavarde. En France, les sionistes sionisent, violemment comme Meyer Habib, Valls ou Finkielkraut, ou modérément comme la cohorte des défenseur·se·s interchangeables de la petite solution à l’amiable. Les marches pour la Palestine sont passées au détecteur d’Allah-akbars. Ou réprimées. Ou interdites. Les Blanc·he·s, êtres pacifiques par excellence, sont bien sûr peiné·e·s de la « recrudescence » du « conflit au Proche-Orient », forcément incompréhensible, sans lien avec leur propre histoire assurément. Iels s’inquiètent cependant du risque qu’on leur importe ce conflit dans leur petite vie de Blanc·he·s du capitalisme tardif, par exemple au moyen de manifestations à Barbès ou à Châtelet-Les-Halles où il y a déjà trop d’Arabes en temps normal. Le « conflit au Proche-Orient », c’est proche bien sûr, mais c’est tout de même en Orient. C’est marqué dans le nom. Ainsi va la vie. Palestine introuvable Il y a un peu plus d’un an, lors du précédent épisode de cette passionnante série, qu’on pourrait appeler « Pourquoi tant de haine ? », lundimatin publiait un texte intitulé « Penser la Palestine ». Il était présenté comme potentiellement polémique, mais de nature à « permettre de réfléchir ». Ceci parce qu’il était signé Stéphane Zagdanski, un écrivain assurément doté d’un savoir non-négligeable. Ce très très gros savoir s’exprime dans ce texte par une accumulation d’idées générales, formulées tantôt en phrases tirées du génie propre de leur auteur, tantôt par citations empruntées au tout venant : Kafka, l’historien sioniste Walter Laqueur, Libé, Maxime Nicolle…. Les lignes stupides et condescendantes (« Antisionistes, apprenez à penser ») signées Stéphane Zagdanski ne m’intéressent pas en tant que telles. En dépit de son arrogance, de son culte infantile des granzauteurs dont il aura sa vie entière omis de se demander qui les sacre tels et pourquoi, de ses écrits lamentables et dégradants sur « l’Afrique », « les Noirs » et surtout « les Noires »1, qu’il prend pour des éloges comme le bonhomme d’Oliver Sacks sa femme pour un chapeau, Stéphane Zagdanski se montre parfois capable de réflexions profondes et son travail sur les textes sacrés du judaïsme et sa mystique forme une honnête et originale introduction pour le profane en la matière2. Si j’entreprends de gloser ici sa prose pourrie, c’est pour deux raisons. D’abord parce que lundimatin vaut mieux que ce torchon. Ensuite parce que le texte s’intitule « Penser la Palestine » et qu’il se distingue de bout en bout par l’oubli symptomatique d’un détail. Ce détail s’appelle la Palestine, c’est-à-dire rien de moins que l’objet qu’il s’assigne. Stéphane Zagdanski, sur ce point, ne fait qu’exprimer, exemplairement quoiqu’à à son insu, ce qui fonde l’idéologie sioniste : l’oblitération. Le postulat fondamental du sionisme est le suivant : la Palestine n’existe pas. Intéressant. Néo-libéralisme en Israël, rapport entre mystique juive et capitalisme : tant de passionnants hors-piste s’esquissent dans ce texte. Leur seul tort est de n’avoir rien à voir avec le début d’une pensée sur la Palestine. Stéphane Zagdanski digresse également sur le statut du signifiant « Juif » chez Alain Badiou et l’antisionisme prétendument endémique dans le star system et le monde académique français. Ces problèmes, à coup sûr, passionnent Palestinien·ne·s et Israëlien·ne·s jusqu’à l’insomnie, et aident grandement à éclairer leurs rapports. Qui n’a entendu retentir, sur l’esplanade des Mosquées, l’insupportable cri de « Badiou Akbar », qui attise rage et peur le long du Mur des Lamentations ? La clé de Sheikh Jarrah ? À l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm, camarades ! Sur la montagne Sainte-Geneviève, où de toute éternité rôtit la cuisse de Jupiter, dont la réalité entière suinte par grasses gouttelettes de Pensée. Misère bavarde des khâgneux éternels. Et la Palestine, Zagdanski ? Bien sûr, dans le texte, le mot apparaît parfois, sans quoi la ficelle serait trop grosse. Quand c’est par l’auteur, c’est entre guillemets : « la “Palestine” ottomane ». Franz Kafka, repeint en good cop du sionisme à longueur de citations, les omet dans les passages produits : « Il y a de plus en plus de Juifs qui retournent en Palestine. » Bien sûr, Kafka a tort, ou a oublié. Le texte sacré des Ottomans, la Torah, s’exprime clairement, Exode XXIII, 31 : וְשַׁתִּי אֶת-גְּבֻלְךָ, מִיַּם-סוּף וְעַד-יָם פְּלִשְׁתִּים וּמִמִּדְבָּר עַד-הַנָּהָר (traduction d’André Chouraqui : « Je placerai ta frontière de la mer du Jonc jusqu’à la mer des Pelishtîms, du désert jusqu’au fleuve »). L’origine allogène du mot « Palestine » ainsi établie, on voit la pertinence des guillemets. On n’en saura pas plus à ce propos. Rien sur ce qu’il a bien pu recouvrir à l’âge du fer, au temps des tribus, des royaumes d’Israël et de Juda, sous Babylone, sous les Achéménides, sous les Parthes et les Grecs, sous les princes Hasmonéens, sous les Romains et les Byzantins, sous les Arabes et les Croisés. Pas même sous Mahmoud Abbas. Inutile. Car tout ça, c’est de l’histoire, et notre guide nous prévient d’emblée : l’histoire n’existe pas. Du moins avant que les Ottomans n’inventent la “Palestine”. De l’incomparable Sur les Palestinien·ne·s, c’est un peu plus disert. Zagdanski leur reconnaît le statut de « population ». Comme toute population indigène, ces gens sont dotés d’aspirations confuses, nimbées de mystère : « Nul ne sait ce que désire vraiment la population palestinienne, qui n’a pas et n’a jamais eu voix au chapitre. » Rappelons qu’en France, septième puissance mondiale et bonne mère pour les sien·ne·s, d’excellentes prothèses auditives sont à la disposition de chacun·e et (bien mal) couvertes par la sécurité sociale. Elles permettraient peut-être à notre guide d’entendre ce que l’écrasante majorité des Palestinien·ne·s des territoires de 1948, de Cisjordanie, de Gaza et de la diaspora exprime en fait de désir depuis la Nakba et même avant : le droit à sa terre et à la maîtrise de son destin collectif. L’ennui, c’est que les Palestinien·ne·s forment une population comme les autres. Une population bof. C’est leur différence avec le peuple juif, et ceci pour les raisons suivantes : « Le peuple juif, par son histoire, par son rôle livresque et métaphysique dans la constitution spirituelle de l’Occident chrétien et de l’Orient musulman est incomparable avec un autre peuple de ces deux immenses régions du monde. » Je voudrais m’arrêter sur cette phrase et lui donner le bénéfice du doute. Le terme « incomparable » est porteur d’une ambiguïté venimeuse. Selon le Larousse, il peut désigner « ce qui est très différent, ce qui ne peut être comparé ». Sous cet angle, celleux qu’on appelle communément les Juif·ve·s (je ne m’étends pas ici sur le mot « peuple » par souci de brièveté) possèdent sans conteste un génie propre d’une part, d’autre part une empreinte particulière sur les deux « immenses régions » dont il est question, du fait de sa dissémination sur le pourtour méditerranéen et au-delà. Ces très estimables qualités lui sont inaliénables, comme le sont les qualités propres à tout autre groupe humain de ces régions et de toutes les autres. Exemple au hasard : les Palestinien·ne·s. Par conséquent, si c’est en ce sens que Zagdanski emploie le mot, son propos est juste mais sans grand intérêt et un peu mièvre. Il cache en toute vraisemblance son ignorance quasi-totale des cultures turque, kurde, arménienne, arabe, amazighe ou égyptienne, ainsi que de celles des Balkans, du pourtour de la Mer Noire, de l’Iran ou de l’Afghanistan. Cette ignorance n’est pas un crime. Rien qu’une banalité, et un impensé. La seconde définition d’« incomparable » est la suivante, et je souligne : « qui l’emporte par ses qualités, qui ne peut être égalé ». Si nous retenons cette acception, l’énoncé que nous commentons est un énoncé suprémaciste. Pour prévenir tout procès d’intention, voici la définition que ce même dictionnaire donne du terme suprémacisme. « Nom masculin (de suprématie) : Idéologie qui postule la supériorité d’un peuple ou d’une civilisation sur tous les autres, et légitime ainsi leurs aspirations hégémoniques. » À la lettre, défendre l’État d’Israël et sa politique coloniale au titre de l’incomparabilité des Juif·ve·s relève de ce qu’énonce cette définition. Sionistes, apprenez à vous penser. Mort en Palestine Zagdanski reconnaît un deuxième trait aux Palestinien·ne·s : leur tendance à mourir en nombre conséquent sous les balles de Tsahal. Et ici, c’est le point Godwin qui lui sert d’excuse : toutes les guerres font des morts, et les jeunes garçons palestiniens « embrigadés par le Hamas » valent bien les adolescents allemands embrigadés par le nazisme : victimes innocentes, mais servant une cause injuste. Ici, il faudra d’abord rappeler à Stéphane Zagdanski qu’à la différence des troupes fanatisées des Hitler Jungend, les adolescents palestiniens en arme ne servent aucun projet d’hégémonie mondiale, de mise en esclavage de leurs voisins ni de conquête d’un espace vital fantasmé comme celui de leur race. Ils sont, ni plus ni moins, les descendants des habitant·e·s qui se trouvaient sur le territoire de l’actuel État d’Israël avant sa création, qui peuplaient par exemple les 418 villages détruits en 1948, ou la zone nommée Cisjordanie, désormais contrôlée à 60% par Israël et grignotée de jour en jour par des colons fanatisés ultra-violents, ou encore al-Quds/Jérusalem aux trois quarts volée dont les derniers habitant·e·s palestinien·ne·s, en zone est, sont jour et nuit harcelé·e·s par leurs voisinage prédateur. Puisque Stéphane Zagdanski préfère les histoires à l’Histoire, en voici une. Elle se passe dans la vieille ville d’al-Quds/Jérusalem, le 16 mai 2022, où je me trouvais en train de dîner avec un être cher. Nous sommes le lendemain des funérailles de Shirine Abou Aqleh, où le monde entier a pu voir la police israélienne s’attaquer non seulement au cortège venu accompagner la journaliste et lui exprimer sa reconnaissance, mais au cercueil même. Ce jour-là, un autre cercueil est remis par les occupants. Le corps qui se trouve dans ce cercueil n’est pas celui d’une journaliste chrétienne connue mondialement, mais d’un homme de 23 ans dont le nom est Walid Al Sharif. En tant qu’homme et en tant que musulman, il n’intéresse pas la presse du Nord global. Trois jours plus tôt, il était décédé des suites des blessures que lui avaient infligé l’armée israéliennes le 22 avril sur l’Esplanade des Mosquées. Ce jour-là, Walid avait lancé des pierres en direction du Mur des Lamentations voisin, en réaction aux intrusions israéliennes violant le statu quo sur les lieux saints de la ville. D’après la presse israélienne, il est mort d’une crise cardiaque et les images de l’émeute du 22 avril confirment l’absence de tirs contre lui. Ces images, naturellement, sont introuvables en ligne. Les autorités israéliennes ont retenu le corps de Walid trois jours après sa mort, tenté de tordre le bras à sa famille pour la forcer à l’autopsier contre son gré, cherché à imposer des funérailles en pleine nuit pour éviter qu’elles ne soient suivies. Finalement, les funérailles sont prévues vers 19 heures. La foule des Palestinien·ne·s de Jérusalem Est réunie à Bab Al-Asbat scande : « Par l’âme et par le corps, nous nous sacrifions pour toi Walid. » Nous nous trouvons à 15 mètres de cette foule. À 19h05, les tirs commencent à retentir, les gaz lacrymogènes et les grenades assourdissantes fusent, un mouvement de foule commence à se dessiner dans les ruelles qui séparent Bab al-Asbat de Bab al-Sahra. Des soldates israéliennes lourdement armées courent après des adolescents. Des dizaines de garçons et de jeunes hommes arrivent de Bab al-Sahra, nous croisant pour se rendre sur les lieux de l’affrontement naissant. J’en vois un passer, 16 ans tout au plus. La blessure qu’il a à l’œil a brûlé sa peau et la fait pendre sur sa joue. Et pourtant, tout adolescent qu’il est, tout dévisagé et meurtri qu’il est, il descend vers Bab al-Asbat où les tirs résonnent, d’un pas sûr, tranquille. Est-ce le Hamas qui lui a détruit le visage ? Est-ce la « propagande antisémite » venue de Gaza qui fait de ce garçon une proie consentante et de sa chair la nourriture probable d’une nouvelle balle ? Non, Stéphane Zagdanski. Ce qui pousse ces jeunes hommes à la mort, c’est l’État d’Israël et sa politique dévastatrice. Toute cette nuit-là, des tirs retentissent et des traînées lumineuses strient le ciel d’al-Quds. Nous nous réfugions dans un café du Mont des Oliviers, qui domine la vieille ville. Ici, tout le monde regarde ce spectacle avec nervosité mais sans surprise. À Jérusalem-est, on n’appelle pas cela une scène de guerre ou un spectacle de mort, mais un lundi soir. Ce qui échappe aux personnages du genre de Zagdanski, qui mangent à leur faim et dorment paisiblement après avoir éructé leur haine, c’est que leur vie, quoi qu’ils prétendent, n’est pas en cause. On a beau jeu de qualifier de nihilisme le martyrologe palestinien quand on ignore ce que signifie, ici et maintenant, de vivre sous une occupation inique, cruelle, écrasante surtout par les moyens techniques et militaires auxquels l’Occident unanime a pourvu et continue de pourvoir pour la faire prospérer. Mourir pour que ce type de vie cesse, c’est offrir sa vie à la vie même. Zagdanski et ses potes, qui prétendent avoir médité le destin du peuple juif mieux que quiconque, et tiré toutes les leçons de l’effroyable génocide subi par les Juif.ve.s d’Europe au XXe siècle, devraient mieux le savoir que d’autres. Et puisque cette clique ne s’intéresse aux autres cultures que pour les folkloriser, et ne savent pas lire, voici ce qu’en dit le plus célèbre des innombrables poètes·se·s palestinien·ne·s (je souligne) :Il y a sur cette terre ce qui mérite de vivre :les hésitations d’avril,l’odeur du pain à l’aube,les opinions d’une femme sur les hommes,les écrits d’Eschyle,les débuts d’un amour, de l’herbe sur des pierres,des mères se tenant debout sur la ligne d’une flûteet la peur qu’éprouvent les conquérants du souvenir.Il y a sur cette terre ce qui mérite de vivre :la fin de septembre,une dame qui franchit la quarantaine avec tous ses fruits,l’heure de la promenade au soleil en prison,un nuage mimant une nuée de créatures,les ovations d’un peuple pour ceux qui montent à la mort souriantset la peur qu’ont les tyrans des chansons.Il y a sur cette terre ce qui mérite de vivre :il y a sur cette terre, le commencement des commencements,la fin des fins,On l’appelait Palestine et on l’appelle désormais Palestine.Madame je mérite, parce que vous êtes ma dame, je mérite de vivre. C’est l’espoir de cette vie parfaitement méritée qui fait les martyrs. Du fait colonial Du caractère colonial de l’idéologie sioniste, j’ai jusqu’ici disposé comme d’une évidence. Manifestement, il ne suffit pas à certains de constater la présence de 480 000 colons en Cisjordanie, ni l’annexion du plateau du Golan, territoire syrien, pour se poser la moindre question. À seule fin de m’en débarrasser, donc, voici de la lecture : « Pour l’Europe, nous formerons là-bas un élément du mur contre l’Asie ainsi que l’avant-poste de la civilisation contre la barbarie. » Cette phrase est-elle due au général Gouraud, administrateur du mandat français en Syrie et au Liban au début du XXe siècle ? À Herbert Samuel, administrateur britannique de la Palestine mandataire ? Non. Cette phrase est de Theodor Herzl, dans L’Etat des Juifs3. Dans la foulée du second Congrès Sioniste de Londres, une banque servant à réunir les capitaux nécessaires à la formation de cet avant-poste de la civilisation fut créée. Son nom : Jewish Colonial Trust4. Remettre en cause le caractère colonial du projet sioniste dès son origine relève donc du pur et simple mensonge, et va contre les textes fondateurs dudit projet qui s’inscrivent en droite ligne dans la rhétorique européenne de la mission civilisatrice. C’est par calcul cynique, alors que la grande vague des décolonisations s’amorce dans les années 1930-1940 et qu’il commence à faire mauvais genre d’adopter cette posture en face de l’opinion internationale, que le mouvement sioniste, qui a déjà eu un demi-siècle pour s’implanter sur le territoire qu’il convoitait avec la complicité des Britanniques, repeint son entreprise coloniale en guerre d’indépendance5. C’est sur ce terrain que Zagdanski est le plus malin. En faisant jouer la distinction tout à fait pertinente entre l’État d’Israël, fruit de ce projet de colonisation revendiqué par ses penseurs et ses acteurs, et Israël en tant qu’il nomme un symbole religieux central dans l’imaginaire des Juif.ve.s sous toutes les latitudes depuis la disparition des royaumes juifs en Asie du sud-ouest, il tente un remarquable coup de force rhétorique qu’il n’est pas à la portée de toute personne vaguement intéressée à la question de déjouer. Qui, en effet, peut nier la formule rituelle « l’an prochain à Jérusalem », la présence continue de communautés juives sur cette terre, « la place centrale occupée par Sion dans les pensées, les prières et les rêves des Juifs de la diaspora » ? Personne ne le peut sauf à être malhonnête. L’ennui, c’est que ce fait, qui mérite d’être reconnu et respecté, n’est une fois de plus nullement incomparable à d’autres, sans stricte équivalence bien sûr. Prenons l’exemple des populations de confession musulmane au Maghreb, en Égypte, dans les Bilâd al-Shâm et en Iraq, dans le Golfe, en Iran, en Asie centrale, en Indonésie, en Chine. Al-Quds fait tout autant partie de leurs rêves, de leurs espoirs et de leurs symboles. Depuis des siècles, le pèlerinage de la Mecque et de Médine est considéré comme incomplet sans la visite à l’esplanade des mosquées, lieu décrit comme le point de départ de l’ascension céleste du prophète Mohammed. Ne seraient-iels donc pas, au titre de leur islamité et selon vos propres critères, aussi fondé·e·s à planifier l’établissement d’une colonie de peuplement en Palestine que les Juif·ve·s de Pologne, d’Autriche, de Russie ou de la mer Baltique ? Est-il acceptable que la situation qui prévaut depuis 1948 prive l’écrasante majorité des musulman·e·s d’un pèlerinage pareil ? Et la destruction par Israël, en 1967, du quartier où vivaient les maghrébin·e·s d’Al-Quds/Jérusalem (Hayy al-maghâriba), installé·e·s génération après génération auprès de leur lieu saint, là même où se trouve maintenant l’esplanade qui jouxte maintenant le Mur des Lamentations (Kotel) ? N’est-elle donc pas aussi infâme de ce point de vue que le prétendu projet palestinien, qu’aucune charte d’aucune organisation politique n’étaye, de jeter les Juif·ve·s à la mer ? En bref : de qui vous foutez-vous au juste ? Et qui nie qui ? Qui sont les sionistes ? La triade peuple-état-nation est un assemblage conceptuel européen du XIXe siècle, dont l’exacerbation est concomitante à la sauvage entreprise coloniale et constitue l’origine des deux conflits mondiaux du XXe siècle. Cette exacerbation est donc l’une des causes indirectes de la Shoah. Le mouvement sioniste, de Herzl à Netanyahou, est à l’origine un nationalisme typique de la Mitteleuropa autour de 1848, et en relève donc substantiellement. Dans « la monumentale histoire du sionisme de Walter Laqueur », comme dit votre pingouin professeur de pensée, il n’est question que des Juif·ve·s d’Europe (et encore devrait-on dire : d’un groupe fort minoritaire de Juif·ve·s d’Europe) dans les chapitres qui concernent l’émergence de ce mouvement. Et pour cause : le sionisme n’est né ni au Yémen, ni en Iran ni au Maroc, pour ne citer que trois pays où la présence du judaïsme fut de longue date particulièrement vibrante. Où étaient donc les Juif·ve·s de ces contrées autour de 1850 ? À la maison, tranquilles, en train de ne pas planifier la colonisation d’une terre et la déportation de ses habitant·e·s. Iels vivaient comme toutes les minorités sous le colonialisme français ou britannique, sous les sultanats islamiques arabes ou non. Non pas, comme le croit Zagdanski, sous le joug d’une entité abstraite nommée « antisémitisme musulman », car il n’y a que des musulman·e·s, oppresseur·e·s et opprimé·e·s, riches et pauvres, vivant en tel lieu et à telle époque. Leur statut de minorité s’accompagnait, comme partout et toujours, de racisme et de partage, de brimades et d’inclusion. Comme toutes les minorités, partout et toujours, celles-ci furent infériorisées ou utilisées, lésées ou respectées, massacrées ou valorisées selon les circonstances, et en tout cas juridiquement et factuellement discriminées. Ce sont ces discriminations qui ont rendu à ces populations l’offre sioniste séduisante. Elle fut diffusée par l’Alliance Israélite Universelle, entité née en France et soutenue par les institutions françaises trop heureuses d’y trouver le moyen de diviser les différentes populations des sociétés indigènes. Une centaine d’écoles, de Tétouan à Izmir, préparèrent le terrain de l’exode. Un défenseur d’Israël qui prétend administrer des gifles pensantes à ceux qui divergent de sa doctrine devrait aussi se renseigner préalablement sur ce qu’il est advenu de ces Juif·ve·s qui n’ont pas eu le bonheur d’être hertzliens, et découvrir qu’après avoir été ignoblement chassé·e·s de la totalité des pays des mondes arabes à partir de la fin des années 1940, les Juif·ve·s du Maghreb et du Mashriq ont eu à subir à leur arrivée en Israël des discrimination dont l’ignominie est parfaitement comparable à celle qu’iels venaient de fuir : internement, aspersion au DDT, kidnapping institutionnalisé de leurs enfants, exploitation à bas coût, injures publiques de la part des principaux responsables politiques du pays… Les HaPanterim HaSh’horim, mouvement des Black Panthers d’Israël fondé en 1971 pour résister à ces discriminations, constituent une intéressante et significative réaction à ces discriminations systémiques et institutionnalisées du point de vue desquelles Israël ne se distingue guère des autres états-nations6. Jusqu’à nos jours, ceux qu’on appelle mizrahim en Israël vivent pour une bonne part une vie de subalternes, ce qui ne les empêche pas de participer avec enthousiasme à la colonisation de la Cisjordanie, encouragé·e·s par la droite israélienne qui s’est depuis longtemps et de manière parfaitement cynique posée comme leur protectrice, du bourreau Begin à l’infâme Bennett. C’est donc ce groupe de Juif·ve·s d’Europe, et l’ensemble de celleux qui se sont reconnu·e·s à travers le temps et l’espace dans leur projet et dans la société absurde et violente dont il a accouché, conglomérat de Juif·ve·s réel·le·s ou supposé·e·s où règne la violence sociale et raciale, que nous autres appelons sionistes. Personne d’autre. Juif·ve·s en Palestine Contrairement à ce qu’affirme Zagdanski, les organisations politiques palestiniennes ne sont pas toutes ni de tout temps montrées « révulsées à l’idée que des Juifs puissent vivre parmi eux avec un statut d’égalité à part entière ». Fatah, déclaration du 1er janvier 1969 : « Le Mouvement de Libération Nationale Palestinienne Fath ne lutte pas contre les juifs en tant que communauté ethnique et religieuse. Il lutte contre Israël, expression d’une colonisation basée sur un système théocratique raciste et expansionniste, expression du sionisme et du colonialisme7. » Le même Fatah, dans un texte de 1971 intitulé « La révolution palestinienne et les Juifs », a produit une remarquable réflexion sur l’antisémitisme dans le mouvement palestinien et l’impasse qu’il constituait, se posant la question suivante : « Comment pouvons-nous haïr les juifs en tant que juifs ? (…) Comment avons-nous pu tomber dans le piège du racisme ?8 [8] » Le projet de ce Fatah, loin encore d’être devenu le pantin impuissant qui fait semblant d’administrer l’Autorité Palestinienne actuelle, était la constitution d’un état multiconfessionnel où les Juif·ve·s auraient toute leur place. Quant au Hamas, dont l’usage de la rhétorique antisémite a suffisamment été souligné, on rappellera simplement ses relations historiques fort troubles avec Israël. C’est initialement la branche gazaouie de l’Organisation des Frères Musulmans, groupe politique présent dans tout le monde arabe et brutalement réprimé en Égypte sous le régime de Gamal Abdel Nasser. En Palestine, cette branche fut étonnamment protégée de la brutale répression orchestrée par un certain général Ariel Sharon sur la bande de Gaza au début des années 1970. Le gouverneur israélien qui régit alors l’occupation de Gaza assiste même à l’inauguration d’une mosquée, Jawrat al-Shams, qui sert de vitrine à l’organisation. Les ennemis des ennemis étant toujours bien utiles, l’État d’Israël a cyniquement entretenu avec cette organisation une relation constante tout au long des années 1970 et 1980, laissant s’étendre ses réseaux, tolérant la constitution de sa propre milice, le Majd. L’objectif était de laisser le soin à ce groupe d’autochtones de lutter à sa place, et bien plus efficacement, contre l’influence du communisme et du panarabisme en Palestine. Ce n’est qu’au moment de la première Intifada (1987), contraint de revoir sa position attentiste par l’insurrection de la société palestinienne, que ce groupe islamiste cesse sa politique de collaboration avec l’occupant et opère le virage complet vers le radicalisme qui lui est actuellement reproché avec tant de vigueur9. Le racisme réactif des cadres du Hamas et plus généralement de certain·e·s palestinien·ne·s, regrettable mais une fois de plus banal dans une société coloniale, n’est donc pas comme le croient Zagdanski et ses semblables, l’effet lointain de la bataille de Khaybar, d’on ne sait quel hadith ou des pogroms de Fès, mais un phénomène entièrement explicable par son contexte et dans lequel les manipulations éhontées des institutions israéliennes ne sont pas pour peu. Quand le vassal finit par mordre la main de son maître, sot qui s’étonne que ses dents sentent le poison. Qui sont les Palestinien·ne·s ? Pas plus que nous ne posons d’équivalence entre État d’Israël et Juif·ve·s nous ne chercherons ici à défendre l’idée qu’un peuple palestinien préexista à 1948. Se livrer à cet exercice est inutile, car c’est reconnaître à l’ennemi son vocabulaire. Peuple, chez Zagdanski et ses semblables, est évidemment entendu au sens national du terme, et il nous faut à nous autres antisionistes récuser fermement l’évidence selon laquelle faire nation est le prérequis de la légitimité. Pas plus qu’il n’y avait de « peuple algérien » unifié en nation dans les frontières actuelles avant 1830, il n’y a eu de « peuple palestinien » au sens que ce mot prend dans les dispositifs politiques du Nord global. Il y avait en revanche des gens sur le territoire de la Palestine mandataire, dont les grands-parents se trouvaient ou non sur le territoire de la Province ottomane et ainsi de suite. Ces gens, ce sont les Palestinien·ne·s. La seule raison qui fait, donc, que l’expression de « peuple palestinien » est légitime et en vérité indiscutable pour qui sait raisonner, est que c’est celle qu’utilise désormais l’écrasante majorité des autochtones dont les terres ont été spoliées, les villages rasés, le droit à vivre chez elleux dénié et la vie foutue en l’air par la naissance et le développement de l’État d’Israël. Pour des raisons circonstancielles, ces populations ont choisi le vocable « peuple palestinien » pour s’identifier dans le malheur et l’injustice qu’elles subissent ensemble, et dans le projet de récupérer terres et droits. Comme les Juif·ve·s d’Europe ont adopté le terme linguistiquement impropre d’antisémitisme pour désigner la forme particulière d’oppression dont iels furent victime aux XIXe et au XXe siècle, par distinction avec les phases précédentes de l’histoire multimillénaire de la haine des Juif·ve·s. Aux concerné·e·s de nommer leur oppression comme de se constituer peuple. Est Palestinien·ne toute personne que l’État d’Israël nomme « Arabe » pour effacer le nom que porte son crime aux yeux du monde. C’est indifféremment une Chrétienne de Bethlehem ou d’Hébron, un Musulman de Haïfa ou de Gaza, un Arabe du Néguev, une exilée à Beyrouth, Venise ou New-York. Et puisque Stéphane Zagdanski est friand d’histoires, en voici une deuxième et dernière à ce sujet. Elle se passe le soir du jeudi 26 mai 2022. C’est une histoire banale. Un couple d’arabo-européens, elle Palestinienne, lui non, se rendent à Akka. Iels se baignent dans la Méditerranée puis visitent la vieille ville. Depuis 1948, cette citadelle résiste à la pénétration des occupant·e·s. Par miracle, elle n’a pas cédé. Officiellement, nous sommes en Israël. Pourtant, tous·te·s deux le sentent bien, ce soir à Akka c’est Israël qui n’existe pas. De partout surgissent de la musique, des cris d’enfants et des visages heureux. Dans le port de plaisance, de petites embarcations vous font faire le tour de la forteresse. Certaines vont à pleine vitesse, slaloment gracieusement sur la surface de l’eau et font pousser des cris de peur et d’enthousiasme aux passagèr·e·s. Il fait beau, le ciel est d’un orange tendre que déjà grignote la nuit montante. Dans les restaurants sur la rive, on mange du poisson frit. Pas un·e soldat·e de Tsahal à l’horizon. Pas de check-point. Sur les petits bateaux, des femmes dansent. Et ce couple un peu usé, que la vie en ce moment ne ménage pas, se mêle à leur bonheur d’exister, et noie quelques heures ses peines dans la splendide baie de Haïfa, dans la mer qui est à tout le monde et à personne, que l’amertume du rivage indiffère. Voici une soirée palestinienne. Une soirée parmi des femmes et des hommes qui, comme dirait l’autre, valent tous·te·s les autres et que n’importe qui vaut. Qui aiment la vie, eux aussi, « quand ils en ont les moyens. » Qui se donnent les moyens de l’aimer malgré l’acharnement des occupant·e·s à la leur gâcher. Malgré vos efforts pour vous octroyer le monopole de la joie de vivre, vous autres sionistes n’avez pas tout à fait réussi à saboter celle de vos victimes. Et votre insistance si lourde à souligner à quel point vous aimez la vie ne traduit que votre culpabilité sourde, dont l’effacement du dernier souffle de la résistance qui vous est opposée depuis 74 ans ne vous délivrerait pas. Les nations coloniales, comme les impériales et les exterminatrices, sont des nations hantées. Voyez les États-Unis, l’Allemagne, la France, la Russie. Notre cause est peut-être perdue, mais pas notre joie. Quant à vous, tant que vous n’aurez pas réparé Deir Yassine, vous n’aurez jamais la paix. Celle-ci se mérite, et à l’évidence, vous n’en avez pas les moyens. Paris, dimanche 29 mai 2022, jour de la Marche des drapeaux. Note

  • Gaza la prison à ciel ouvert.

    La « prison à ciel ouvert » d’Israël, 15 ans déjà

     

    Les restrictions de mouvement imposées par Israël et l’Égypte bouleversent la vie des Palestiniens

    (Gaza, le 14 juin 2022) – Les restrictions généralisées imposées aux plus de deux millions d’habitants de Gaza par Israël pour quitter ce territoire enclavé les privent de la possibilité d’améliorer leur vie, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui à l’occasion du quinzième anniversaire du bouclage instauré en 2007. Le bouclage a dévasté l’économie de Gaza, a contribué à la fragmentation du peuple palestinien, et participe des crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution des autorités israéliennes à l’encontre de millions de Palestiniens.

    La politique de bouclage d’Israël empêche la plupart des habitants de Gaza de se rendre en Cisjordanie, ce qui empêche les professionnels, artistes, sportifs, étudiants et autres personnes de saisir les opportunités qui s’offrent à eux en Palestine et de se rendre à l’étranger via Israël, ce qui restreint leurs droits au travail et à l’éducation. Les politiques restrictives de l’Égypte au point de passage de Rafah frontalier avec Gaza, notamment les retards inutiles et les mauvais traitements infligés aux voyageurs, ont exacerbé les atteintes aux droits humains causées par le bouclage.

    « Avec l’aide de l’Égypte, Israël a transformé Gaza en une prison à ciel ouvert », a déclaré Omar Shakir, directeur pour Israël et la Palestine à Human Rights Watch. « Alors que, deux ans après le début de la pandémie de Covid-19, de nombreuses personnes voyagent de nouveau à travers le monde, plus de deux millions de Palestiniens de Gaza continuent d’être soumis à ce qui équivaut à un confinement qui a déjà duré 15 ans. »

    Israël devrait mettre fin à l’interdiction généralisée de voyager imposée aux habitants de Gaza et autoriser la libre circulation des personnes vers et depuis Gaza, sous réserve, tout au plus, de contrôles individuels et de fouilles physiques à des fins de sécurité.

    Entre février 2021 et mars 2022, Human Rights Watch a interrogé 20 Palestiniens qui cherchaient à sortir de Gaza en empruntant le passage d’Erez, géré par Israël, ou le passage de Rafah, administré par l’Égypte. Human Rights Watch a écrit aux autorités israéliennes et égyptiennes pour solliciter leur point de vue sur ses conclusions, et séparément pour leur demander des informations sur une agence de voyage égyptienne qui opère au passage de Rafah, mais n’a reçu aucune réponse à ce jour.

     

    Depuis 2007, les autorités israéliennes ont, à de rares exceptions près, interdit aux Palestiniens de transiter par le point de passage d’Erez entre Gaza et Israël, d’où ils peuvent rejoindre la Cisjordanie et se rendre à l’étranger via la Jordanie. Israël empêche également les autorités palestiniennes d’exploiter un aéroport ou un port maritime à Gaza. Les autorités israéliennes y restreignent aussi fortement l’entrée et la sortie des marchandises.

    Elles justifient souvent cette fermeture, intervenue après que le Hamas a pris le contrôle politique de Gaza à l’Autorité palestinienne dirigée par le Fatah en juin 2007, par des raisons de sécurité. Les autorités israéliennes ont déclaré vouloir minimiser les déplacements entre Gaza et la Cisjordanie afin d’empêcher l’exportation d’un « réseau terroriste humain » de Gaza vers la Cisjordanie, qui a une frontière poreuse avec Israël et où vivent des centaines de milliers de colons israéliens.

    Cette politique a réduit les déplacements à une fraction de ce qu’ils étaient il y a vingt ans, a déclaré Human Rights Watch. Les autorités israéliennes ont officiellement institué une « politique de séparation » entre Gaza et la Cisjordanie, malgré le consensus international selon lequel ces deux parties du territoire palestinien occupé forment une « entité territoriale unique ». Israël en a accepté le principe dans les accords d’Oslo, signés par le pays avec l’Organisation de libération de la Palestine en 1995. Les autorités israéliennes restreignent tous les déplacements entre Gaza et la Cisjordanie, même lorsqu’ils se font indirectement par la route qui traverse l’Égypte et la Jordanie plutôt que le territoire israélien.

    En raison de ces politiques, les professionnels, étudiants, artistes et athlètes palestiniens vivant à Gaza ont manqué des opportunités essentielles d’avancement qui n’étaient pas disponibles à Gaza. Human Rights Watch a interrogé sept personnes qui ont déclaré que les autorités israéliennes n’avaient pas répondu à leurs demandes de voyage par Erez, et trois autres qui ont déclaré qu’Israël avait rejeté leurs permis, apparemment parce qu’ils ne correspondaient pas aux critères stricts imposés par Israël.

    Après avoir passé des années à convaincre sa famille de l’autoriser à voyager seule, Walaa Sada, une réalisatrice de 31 ans, a déclaré avoir demandé des permis pour participer à une formation cinématographique en Cisjordanie en 2014 et 2018. Les autorités israéliennes n’ont jamais donné suite à ses demandes. La nature pratique de la formation, qui nécessite de filmer des scènes en direct et de travailler en studio, rendait difficilement réalisable une participation à distance et Walaa Sada a finalement dû renoncer à participer à ces sessions de formation.

    Lorsqu’on lui a notifié ces refus, le « monde s’est rétréci », a expliqué Walaa Sada, qui s’est sentie « coincée dans une petite boîte… À Gaza, les aiguilles de l’horloge se sont arrêtées. Les gens du monde entier peuvent réserver un vol facilement et rapidement pour voyager, tandis que nous … mourons en attendant notre tour»

    En juin 2022, cela fait déjà 15 ans que les autorités israéliennes imposent de vastes restrictions à la circulation des personnes cherchant à quitter la bande Gaza ou à y entrer, ainsi qu’à l'intérieur de ce territoire.
    En juin 2022, cela fait déjà 15 ans que les autorités israéliennes imposent de vastes restrictions à la circulation des personnes cherchant à quitter la bande Gaza ou à y entrer, ainsi qu’à l’intérieur de ce territoire. © 2016 Ain Media

    Les autorités égyptiennes ont encore aggravé l’impact de ce bouclage en restreignant les déplacements hors de Gaza et en fermant parfois complètement le poste frontière de Rafah qui est, en dehors d’Erez, la seule voie de sortie de Gaza vers l’extérieur. Depuis mai 2018, les autorités égyptiennes laissent plus régulièrement ouvert le poste de Rafah, ce qui en fait, sur fond de restrictions israéliennes généralisées, le principal point d’accès des habitants de Gaza au monde extérieur.

    Cependant, les Palestiniens sont toujours confrontés à des obstacles onéreux lorsqu’ils voyagent en Égypte. Ils doivent notamment attendre plusieurs semaines pour obtenir des autorisations de voyager, à moins d’être prêts à payer des centaines de dollars à des agences de voyage ayant des liens privilégiés avec les autorités égyptiennes pour accélérer les procédures de voyage. Ils font aussi l’objet de refus d’entrée et d’abus de la part des autorités égyptiennes.

    Walaa Sada a dit avoir également eu l’opportunité de participer à un atelier d’écriture de scénario en Tunisie en 2019, mais qu’elle n’avait pas les moyens de payer les 2000 dollars US que lui coûterait le service qui lui permettrait d’entreprendre ce voyage à temps. L’atelier avait déjà eu lieu quand son tour est venu de voyager, six semaines plus tard.

    En tant que puissance occupante qui maintient un contrôle important sur de nombreux aspects de la vie à Gaza, Israël a l’obligation, en vertu du droit international humanitaire, de veiller au bien-être de la population. Les Palestiniens ont également le droit, en vertu du droit international des droits humains, de circuler librement, en particulier en territoire occupé, un droit qu’Israël ne peut restreindre, en vertu du droit international, qu’en réponse à des menaces de sécurité spécifiques.

    Or la politique israélienne refuse par principe, à quelques exceptions près, la liberté de circulation aux habitants de Gaza indépendamment de toute évaluation individuelle du risque sécuritaire que représente chaque individu. Ces restrictions du droit à la liberté de circulation ne répondent pas à l’exigence d’être strictement nécessaires et proportionnées dans le but d’atteindre un objectif légal. Depuis plusieurs années, Israël a eu de multiples occasions de développer des réponses beaucoup mieux adaptées aux risques pour sa sécurité et qui minimisent les restrictions imposées aux droits des personnes.

    Les obligations légales de l’Égypte envers les habitants de Gaza sont plus limitées, car elle n’est pas une puissance occupante. Cependant, en tant qu’État partie à la Quatrième Convention de Genève, elle devrait veiller au respect de la convention « en toutes circonstances », notamment aux protections des civils vivant sous occupation militaire et qui ne peuvent pas voyager en raison de restrictions illégales imposées par la puissance occupante. Les autorités égyptiennes devraient également tenir compte de l’impact de la fermeture de la frontière sur les droits des Palestiniens vivant à Gaza et qui ne peuvent se rendre à Gaza et en sortir par une autre route, et notamment sur le droit de toute personne à quitter un pays.

    Les autorités égyptiennes devraient lever les obstacles déraisonnables qui restreignent les droits des Palestiniens et autoriser le transit par son territoire, sous réserve de considérations de sécurité, et veiller à ce que leurs décisions soient transparentes et non arbitraires et tiennent compte des droits fondamentaux des personnes concernées.

    « Le bouclage de Gaza empêche des individus et professionnels talentueux qui ont beaucoup à offrir à leur société de profiter d’opportunités que d’autres personnes, dans d’autres pays, considèrent comme allant de soi », a déclaré Omar Shakir. « Empêcher les Palestiniens de Gaza de se déplacer librement dans leur patrie revient à étouffer les existences de ces personnes et souligne la cruelle réalité de l’apartheid et de la persécution que subissent des millions de Palestiniens. »

    Informations détaillées

    Obligations d’Israël envers Gaza en vertu du droit international

    Les autorités israéliennes revendiquent « de larges pouvoirs et une grande discrétion pour décider qui peut entrer sur son territoire » et affirment qu’« un étranger n’a aucun droit légal d’entrer sur le territoire souverain de l’État, y compris à des fins de transit vers la [Cisjordanie] ou à destination de l’étranger ». Si le droit international des droits humains accorde une grande latitude aux gouvernements eu égard aux conditions d’entrée des étrangers, Israël a des obligations accrues envers les habitants de Gaza. En raison des contrôles permanents que le pays exerce sur la vie et le bien-être des habitants de Gaza, Israël reste une puissance occupante au sens du droit humanitaire international, malgré le retrait de ses forces militaires et de ses colonies du territoire en 2005. Tant les Nations Unies que le Comité international de la Croix-Rouge, gardiens du droit humanitaire international, sont parvenus à cette conclusion. En tant que puissance occupante, Israël reste tenu de fournir aux habitants de Gaza les droits et protections prévus par le droit de l’occupation. Les autorités israéliennes continuent de contrôler les eaux territoriales et l’espace aérien de Gaza, ainsi que la circulation des personnes et des biens, sauf à la frontière de Gaza avec l’Égypte. Israël contrôle également le registre de la population palestinienne et les infrastructures dont dépend la bande de Gaza.

    Israël a l’obligation de respecter les droits humains des Palestiniens vivant à Gaza, notamment leur droit à la liberté de circulation dans l’ensemble du territoire palestinien occupé et à l’étranger, qui concerne à la fois le droit de quitter un pays et le droit d’entrer dans son propre pays. Israël est également tenu de respecter les droits des Palestiniens pour lesquels la liberté de circulation est une condition préalable, par exemple les droits à l’éducation, au travail et à la santé. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a déclaré que si les États peuvent restreindre la liberté de circulation pour des raisons de sécurité ou pour protéger la santé publique, l’ordre public et les droits d’autrui, ces restrictions doivent être proportionnées et « ne doivent pas porter atteinte à l’essence même du droit ; le rapport entre le droit et la restriction, entre la règle et l’exception, ne doit pas être inversé ».

    Si le droit de l’occupation permet aux puissances occupantes d’imposer des restrictions aux civils pour des raisons de sécurité, il leur impose également de restaurer le fonctionnement de la sphère publique pour la population occupée. Cette obligation est renforcée dans le cas d’une occupation prolongée, au cours de laquelle l’occupant dispose de plus de temps et de possibilités pour élaborer des réponses plus étroitement adaptées aux menaces pour la sécurité, susceptibles de minimiser les restrictions imposées aux droits des personnes. En outre, les besoins de la population occupée augmentent avec le temps. La suspension de la quasi-totalité de la liberté de circulation pendant une courte période entraîne une interruption temporaire de la vie publique normale, mais la suspension durable et indéfinie de la liberté de circulation à Gaza a eu un impact beaucoup plus dévastateur, fragmentant les populations, effilochant les liens familiaux et sociaux, aggravant la discrimination à l’égard des femmes et empêchant les habitants de saisir des opportunités qui leur permettrait d’améliorer leur existence.

    Cet impact est particulièrement dommageable étant donné le refus d’accorder la liberté de circulation aux personnes confinées à une petite partie du territoire occupé, et qui sont incapables d’interagir physiquement avec la majorité de la population occupée qui vit en Cisjordanie, notamment à Jérusalem-Est avec son riche assortiment d’institutions éducatives, culturelles, religieuses et commerciales.

    Après 55 ans d’occupation et 15 ans de bouclage de la bande de Gaza sans aucune perspective de fin, Israël devrait respecter pleinement les droits humains des Palestiniens, en se référant aux droits qu’il accorde aux citoyens israéliens. Israël devrait abandonner l’approche qui consiste à interdire la liberté de mouvement sauf circonstances exceptionnelles, humanitaires et individuelles telles que définies par lui, pour adopter une approche qui permette la libre circulation sauf circonstances exceptionnelles, sécuritaires et individuelles.

    Bouclage de Gaza par Israël

    La plupart des Palestiniens qui ont grandi à Gaza sous ce régime de bouclage n’ont jamais quitté la bande de Gaza, qui mesure 40 kilomètres sur 11. Au cours des 25 dernières années, Israël a multiplié les restrictions des déplacements des habitants de Gaza. Depuis juin 2007, date à laquelle le Hamas a pris le contrôle de Gaza aux dépens de l’Autorité palestinienne (AP) dirigée par le Fatah, la bande de Gaza est pratiquement fermée. 

    Les autorités israéliennes justifient cette fermeture pour des raisons de sécurité, compte tenu de « la montée en puissance du Hamas dans la bande de Gaza », comme elles l’exposent dans un document judiciaire de décembre 2019. Les autorités soulignent en particulier le risque que le Hamas et les groupes palestiniens armés recrutent ou exercent des contraintes sur les habitants de Gaza qui ont des permis de voyager via Erez « pour perpétrer des actes terroristes et transférer des agents, des connaissances, des renseignements, des fonds ou des équipements pour des activistes terroristes. » Leur politique se résume toutefois à un refus systématique assorti de rares exceptions, plutôt qu’à un respect global du droit des Palestiniens à la liberté de circulation, qui ne saurait être refusé que pour des raisons individuelles liées à la sécurité. 

    Depuis 2007, l’armée israélienne limite les déplacements au point de passage d’Erez, sauf dans ce qu’elle considère être des « circonstances humanitaires exceptionnelles, » principalement pour les personnes qui ont besoin d’un traitement médical vital en dehors de Gaza et pour celles qui les accompagnent. Israël a restreint les déplacements même pour les personnes qui cherchent à voyager dans le cadre de quelques exceptions limitées, affectant entre autres leurs droits à la santé et à la vie, comme l’ont documenté Human Rights Watch et d’autres groupes. La plupart des habitants de Gaza ne répondent pas aux critères fixés pour ces exemptions qui leur permettraient de voyager par le point de passage d’Erez, même si c’est pour rejoindre la Cisjordanie.

    Selon le groupe israélien de défense des droits Gisha, entre janvier 2015 et décembre 2019, avant le début des restrictions liées à la pandémie de Covid-19, environ 373 Palestiniens en moyenne ont quotidiennement quitté Gaza via Erez, soit moins de 1,5 % de la moyenne quotidienne de 26 000 en septembre 2000, avant la fermeture. Les autorités israéliennes ont encore durci le bouclage pendant la pandémie de Covid-19 – entre mars 2020 et décembre 2021, une moyenne d’environ 143 Palestiniens ont quotidiennement quitté Gaza via Erez, toujours selon Gisha.

    Les autorités israéliennes ont annoncé en mars 2022 qu’elles allaient donner 20 000 permis pour permettre aux Palestiniens de Gaza de travailler en Israël dans la construction et l’agriculture, mais Gisha rapporte qu’au 22 mai, le nombre réel de permis valides dans cette catégorie n’était que de 9 424.

    Depuis plus de vingt ans, les autorités israéliennes ont également fortement restreint l’utilisation par les Palestiniens de l’espace aérien et des eaux territoriales de Gaza. Elles ont bloqué la réouverture de l’aéroport que les forces israéliennes avaient rendu inutilisable en janvier 2002 et empêché les autorités palestiniennes de construire un port maritime, obligeant les Palestiniens à quitter Gaza par voie terrestre pour se rendre à l’étranger. Les quelques Palestiniens autorisés à traverser au point de passage d’Erez ne peuvent généralement pas se rendre à l’étranger via l’aéroport international d’Israël et doivent passer par la Jordanie. Les Palestiniens qui souhaitent quitter Gaza via Erez, soit vers la Cisjordanie, soit vers l’étranger, déposent leurs demandes auprès du Comité palestinien des affaires civiles à Gaza, qui transmet ces demandes aux autorités israéliennes, qui décident d’accorder ou non un permis.

    Séparation entre Gaza et la Cisjordanie

    Dans le cadre du bouclage, les autorités israéliennes ont cherché à « différencier » leurs approches politiques à l’égard de Gaza et de la Cisjordanie, notamment en imposant des restrictions plus importantes à la circulation des personnes et des biens de Gaza vers la Cisjordanie, et à promouvoir la séparation entre ces deux parties du territoire palestinien occupé. L’armée a publié une « Procédure d’installation dans la bande de Gaza par les habitants de Judée et Samarie », qui indique qu’« en 2006, une décision a été prise d’introduire une politique de séparation entre la zone de Judée et Samarie [la Cisjordanie] et la bande de Gaza à la lumière de la montée en puissance du Hamas dans la bande de Gaza. La politique actuellement en vigueur vise explicitement à réduire les déplacements entre ces zones. »

    Dans chacun des 11 cas examinés par Human Rights Watch concernant des personnes qui cherchaient à rejoindre la Cisjordanie, notamment Jérusalem-Est, pour des opportunités professionnelles et éducatives non disponibles à Gaza, les autorités israéliennes n’ont pas répondu aux demandes de permis ou les ont refusées, soit pour des raisons de sécurité, soit parce qu’elles ne se conformaient pas à la politique de bouclage. Human Rights Watch a également examiné des demandes de permis sur le site Internet du Comité palestinien des affaires civiles, ou des captures d’écran de celui-ci, notamment le statut des demandes de permis, le moment où elles ont été envoyées aux autorités israéliennes et la réponse reçue, le cas échéant.

    Raed Issa, un artiste de 42 ans, a déclaré que les autorités israéliennes n’ont pas répondu à sa demande de permis de début décembre 2015 pour assister à une exposition consacrée à son travail dans une galerie d’art de Ramallah, entre le 27 décembre et le 16 janvier 2016.

    L’exposition « Beyond the Dream » visait à mettre en lumière la situation à Gaza après la guerre de 2014. Raed Issa a déclaré que le Comité des affaires civiles palestiniennes continuait d’identifier sa demande comme « envoyée et en attente de réponse ». Il a finalement dû assister virtuellement au vernissage de l’exposition. Raed Issa a estimé que le fait de ne pas être physiquement présent l’a empêché de dialoguer avec le public, d’entretenir un réseau et de promouvoir son travail, ce qui, selon lui, a limité la portée de ce dernier et nui aux ventes de ses œuvres. Il s’est dit peiné « d’exposer son art dans son pays sans pouvoir assister à l’exposition, ni se déplacer librement ».

    Ashraf Sahweel, 47 ans, président du conseil d’administration du Centre d’art et de culture de Gaza, a déclaré que les artistes basés à Gaza ne reçoivent généralement pas de réponse après avoir demandé des permis israéliens, ce qui les oblige à laisser passer des occasions d’assister à des expositions ou à d’autres événements culturels. Peintre lui-même, il a demandé sept permis entre 2013 et 2022, mais pour chacune de ses demandes, soit les autorités israéliennes n’ont pas répondu, soit elles ont refusé, a-t-il expliqué. Ashraf Sahweel a déclaré qu’il avait « perdu tout espoir de voyager via Erez. »

    Les athlètes palestiniens de Gaza sont confrontés à des restrictions similaires lorsqu’ils cherchent à concourir avec leurs homologues de Cisjordanie, même si les directives de l’armée israélienne identifient spécifiquement « l’entrée des sportifs » parmi les dérogations autorisées au bouclage. Ces directives, mises à jour en février 2022, stipulent que « tous les habitants de la bande de Gaza qui sont membres des équipes sportives nationales et locales peuvent entrer en Israël en transit pour se rendre dans la zone de Judée et Samarie [Cisjordanie] ou à l’étranger pour les activités officielles des équipes. »

    Hilal al-Ghawash, 25 ans, a déclaré à Human Rights Watch que son équipe de football, Khadamat Rafah, avait un match en juillet 2019 avec une équipe rivale de Cisjordanie, le Centre de jeunesse de Balata (Balata Youth Center), en finale du Palestine Club, le vainqueur ayant le droit de représenter la Palestine à la Coupe d’Asie. La Fédération palestinienne de football a demandé des permis pour l’ensemble des 22 joueurs et 13 membres du personnel de l’équipe, mais les autorités israéliennes n’ont accordé des permis qu’à 4 personnes, et à un seul joueur seulement, sans fournir d’explication. Le match a donc été reporté.

    Après que Gisha a fait appel de la décision devant le tribunal de district de Jérusalem, les autorités israéliennes ont accordé des permis à 11 personnes, dont six joueurs, déclarant que les 24 autres avaient été refusés pour des raisons de sécurité qui n’ont pas été précisées. Al-Ghawash faisait partie des joueurs qui n’ont pas reçu de permis. Le tribunal de district de Jérusalem a confirmé les refus. Khadamat Rafah étant empêché de se rendre en Cisjordanie, la Fédération palestinienne de football a annulé le match de la finale de la Coupe de Palestine.

    Hilal Al-Ghawash a déclaré que les matchs en Cisjordanie revêtent une importance particulière pour les joueurs de football de Gaza, car ils leur offrent la possibilité de montrer leurs talents aux clubs de Cisjordanie, qui sont généralement considérés comme supérieurs à ceux de Gaza et qui paient mieux. Malgré cette annulation, al-Ghawash a déclaré que plus tard cette année-là, le Balata Youth Center lui a proposé un contrat pour jouer pour eux. La Fédération palestinienne de football a de nouveau demandé un permis au nom d’al-Ghawash, mais celui-ci a dit ne pas avoir reçu de réponse et n’avoir pas pu rejoindre l’équipe.

    En 2021, al-Ghawash a signé un contrat avec une autre équipe de Cisjordanie, le club Hilal al-Quds. La Fédération palestinienne de football a de nouveau fait une demande, mais cette fois, l’armée israélienne a refusé le permis pour des raisons de sécurité non précisées. Al-Ghawash a déclaré qu’il n’appartenait à aucun groupe armé ou mouvement politique et qu’il n’avait aucune idée de la raison pour laquelle les autorités israéliennes lui avaient refusé le permis.

    Le fait de manquer de telles opportunités a obligé Al-Ghawash à renoncer non seulement à un salaire plus élevé, mais aussi à la possibilité de jouer pour des équipes de Cisjordanie plus compétitives, ce qui aurait pu le rapprocher de son objectif de rejoindre l’équipe nationale palestinienne. « En Cisjordanie, il y a de l’avenir, mais ici à Gaza, c’est une condamnation à mort », a-t-il déclaré. « Le bouclage dévaste l’avenir des joueurs. Gaza est plein de gens talentueux, mais c’est tellement difficile de partir. »

    Il est fréquent qu’étudiants et professionnels palestiniens ne puissent obtenir des permis pour étudier ou se former en Cisjordanie. En 2016, l’hôpital Augusta Victoria de Jérusalem-Est a accepté 10 étudiants en physique de l’université Al-Azhar de Gaza pour un programme de formation à l’hôpital de six mois. Les autorités israéliennes ont refusé à cinq étudiants des permis sans fournir de justification, ont déclaré deux de ces étudiants. 

    Les cinq autres étudiants ont d’abord reçu des permis valables pour 14 jours seulement, puis ont rencontré des difficultés pour obtenir d’autres permis. Aucun d’entre eux n’a pu suivre l’intégralité du programme, ont déclaré ces deux étudiants. L’un d’eux, Mahmoud Dabour, 28 ans, a expliqué que lorsqu’il a demandé un deuxième permis, il n’a reçu aucune réponse. Deux mois plus tard, il a fait une nouvelle demande et a réussi à obtenir un permis valable pour une semaine. Il a reçu un autre permis, valable 10 jours, mais lorsqu’il est revenu et a fait une cinquième demande, les autorités israéliennes ont rejeté sa demande de permis sans donner de raison. En conséquence, il n’a pas pu terminer le programme de formation et, sans la certification que les participants reçoivent à l’issue de cette formation, il ne peut postuler à des emplois ou participer à des conférences ou des ateliers à l’étranger dans ce domaine.

    Mahmoud Dabour a déclaré que la formation ne pouvait pas être proposée à Gaza, car le matériel de radiation nécessaire expire trop rapidement pour être fonctionnel après être passé au crible des longues inspections israéliennes du matériel entrant dans la bande de Gaza. Il n’y a pas d’appareils en état de marche du type de ceux dont les étudiants ont besoin pour leur formation à Gaza, a déclaré Mahmoud Dabour.  

    L’un des étudiants dont le permis a été refusé a déclaré : « J’ai l’impression d’avoir étudié pour rien pendant cinq ans, et que ma vie s’est arrêtée. » Pour sa sécurité, cet étudiant a demandé que son nom ne soit pas divulgué

    Deux employés de Zimam, une organisation basée à Ramallah qui travaille sur l’autonomisation des jeunes et la résolution des conflits, ont déclaré que les autorités israéliennes leur ont refusé à plusieurs reprises des permis pour assister à des formations organisationnelles et à des réunions stratégiques. Atta al-Masri, le directeur régional de l’organisation à Gaza, âgé de 31 ans, a déclaré qu’il avait demandé quatre fois des permis, mais qu’il n’en avait jamais reçu. Les autorités israéliennes n’ont pas répondu les trois premières fois et, la dernière fois en 2021, lui ont refusé un permis en raison de « non-conformité » avec les dérogations autorisées au bouclage. Il travaille pour Zimam depuis 2009, mais n’a physiquement pu rencontrer ses collègues pour la première fois qu’en Égypte, en mars 2022.

    Ahed Abdullah, 29 ans, coordinatrice des programmes pour la jeunesse de Zimam à Gaza, a déclaré avoir demandé deux fois un permis en 2021, mais que les autorités israéliennes ont également refusé ses deux demandes pour « non-conformité ».

    C’est censé être mon droit. Mon droit le plus simple. Pourquoi me l’ont-ils refusé ? Mes collègues qui sont en dehors de Palestine ont pu le faire, alors que moi qui me trouve en Palestine, je n’ai pas pu me rendre dans une autre partie de la Palestine… Il n’y a que 2 à 3 heures de trajet entre Gaza et Ramallah. Pourquoi devrais-je faire ma formation en ligne ? Pourquoi suis-je obligée de faire des réunions ennuyeuses sur Zoom au lieu d’être avec mes collègues et faire des activités avec eux ?

    Human Rights Watch a précédemment documenté que le bouclage a empêché des spécialistes de l’utilisation d’appareils d’assistance pour les personnes handicapées d’avoir accès à des formations pratiques sur les dernières méthodes d’évaluation, de maintenance et de remise en état des appareils. Human Rights Watch a également documenté des restrictions imposées à la circulation des travailleurs des droits humains. Le groupe israélien de défense des droits humains Gisha a rapporté qu’Israël a empêché des professionnels de santé de Gaza de participer à des formations en Cisjordanie sur la façon d’utiliser de nouveaux équipements et a entravé le travail d’organisations de la société civile opérant à Gaza.

    Les autorités israéliennes ont également rendu impossible la réinstallation des Palestiniens de Gaza en Cisjordanie. En raison des restrictions israéliennes, des milliers d’habitants de Gaza qui sont arrivés avec des permis temporaires et vivent maintenant en Cisjordanie ne peuvent obtenir de résidence légale. Bien qu’Israël affirme que ces restrictions sont liées au maintien de la sécurité, les preuves recueillies par Human Rights Watch suggèrent que la principale motivation est de contrôler la démographie palestinienne en Cisjordanie, où Israël, contrairement à la bande de Gaza, cherche à conserver les terres.

    Égypte

    La plupart des habitants de Gaza ne pouvant passer par le point de passage d’Erez, c’est celui de Rafah, administré par l’Égypte, qui est devenu le principal point de sortie de Gaza vers le monde extérieur, en particulier ces dernières années. Les autorités égyptiennes ont maintenu Rafah en grande partie fermé pendant près de cinq ans après le coup d’État militaire de juillet 2013 en Égypte, qui a renversé le président Mohamed Morsy, accusé par les militaires de recevoir le soutien du Hamas. L’Égypte a toutefois assoupli les restrictions en mai 2018, en pleine Grande Marche du retour, ces manifestations palestiniennes alors récurrentes à la frontière entre Gaza et Israël.

    Bien que le point de passage de Rafah reste plus régulièrement ouvert depuis le mois de mai 2018, les déplacements via Rafah ne représentent qu’une fraction de ce qu’ils étaient avant le coup d’État de 2013 en Égypte. Alors qu’en moyenne 40 000 personnes passaient chaque mois dans les deux sens avant le coup d’État, la moyenne mensuelle était de 12 172 en 2019 et de 15 077 en 2021, selon Gisha.

    Human Rights Watch s’est entretenu avec 16 habitants de Gaza qui ont cherché à voyager via Rafah. Presque tous ont dit avoir opté pour ce point de passage en raison de la quasi-impossibilité d’obtenir un permis israélien de voyager via Erez.

    Les habitants de Gaza qui espèrent partir par Rafah doivent s’enregistrer à l’avance selon un processus que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) a jugé « confus » et « obscur ». Les habitants de Gaza peuvent soit s’inscrire par le biais du processus d’enregistrement officiel administré par le ministère de l’Intérieur de Gaza, soit s’inscrire de manière informelle par le biais de ce que l’on appelle le tanseeq, qui consiste à coordonner leur voyage avec les autorités égyptiennes, en payant des agences de voyage ou des médiateurs pour obtenir une place sur une liste distincte gérée par les autorités égyptiennes. Le fait d’avoir deux listes distinctes de voyageurs autorisés gérées par des autorités différentes a alimenté « les allégations de paiement de pots-de-vin à Gaza et en Égypte permettant de garantir un voyage et une réponse plus rapide », selon l’OCHA.

    La procédure officielle prend souvent deux à trois mois, sauf pour les personnes voyageant pour des raisons médicales, dont les demandes sont traitées plus rapidement, ont déclaré des habitants de Gaza qui ont cherché à quitter la bande de Gaza via Rafah. Les autorités égyptiennes ont parfois rejeté des personnes qui cherchaient à passer de Rafah en Égypte au motif qu’elles ne répondaient pas à des critères spécifiques pour voyager. Ces critères manquent de transparence, mais Gisha affirme qu’ils incluent le fait d’avoir une recommandation pour un rendez-vous médical en Égypte, ou d’être en possession de documents valides pour l’entrée dans un pays tiers.

    Pour éviter l’attente et le risque de refus, beaucoup choisissent l’option du tanseeq. Plusieurs personnes interrogées ont déclaré avoir versé de grosses sommes d’argent à des courtiers palestiniens ou à des agences de voyage basées à Gaza, qui travaillent directement avec les autorités égyptiennes pour accélérer le déplacement des personnes via Rafah. Sur les réseaux sociaux, certaines de ces agences prétendent qu’elles sont en mesure de garantir un voyage en quelques jours à ceux qui fournissent le paiement et une copie de leur passeport. Le coût du tanseeq a fluctué de plusieurs centaines à plusieurs milliers de dollars US pendant la dernière décennie, en fonction notamment de la fréquence d’ouverture du point de passage de Rafah.

    Ces dernières années, les agences de voyage ont proposé une option supplémentaire, un tanseeq « VIP » qui accélère le voyage sans retard de transit entre Rafah et Le Caire, offre une certaine flexibilité quant à la date du voyage et garantit un traitement amélioré par les autorités. Son coût s’élevait à 700 dollars en janvier 2022.

    Hala Consulting and Tourism Services, l’agence basée au Caire qui propose les services de tanseeq VIP, a des liens étroits avec les services de sécurité égyptiens et son personnel est composé en grande partie d’anciens officiers de l’armée égyptienne, ont déclaré à Human Rights Watch un militant des droits humains et un journaliste qui ont enquêté sur ces questions. Cela permet à cette agence de réduire les délais de traitement et les retards aux points de contrôle pendant le voyage entre Rafah et Le Caire. L’activiste et le journaliste ont tous deux demandé à ce que leurs noms ne soient pas divulgués pour des raisons de sécurité. 

    Cette agence a des liens avec l’éminent homme d’affaires égyptien Ibrahim El-Argani, qui entretient lui-même des liens étroits avec le président égyptien, Abdel-Fattah al-Sissi. El-Argani dirige l’Union des tribus du Sinaï, qui travaille main dans la main avec l’armée et les services de renseignement égyptiens contre les militants opérant dans le Nord-Sinaï. Ibrahim El-Argani, l’un des rares hommes d’affaires égyptiens capables d’exporter des produits vers Gaza depuis l’Égypte, possède la société Sinai Sons, qui détient l’exclusivité de la gestion de tous les contrats liés aux efforts de reconstruction de Gaza. Human Rights Watch a écrit à El-Argani pour solliciter son point de vue sur ces questions, mais n’avait reçu aucune réponse au moment de la rédaction de ce rapport.

    Un ingénieur informatique et entrepreneur de 34 ans a déclaré qu’il cherchait à se rendre en 2019 en Arabie saoudite pour rencontrer un investisseur afin de discuter d’un projet potentiel de vente de pièces automobiles en ligne. Il a choisi de ne pas demander à voyager par le point de passage d’Erez, car ses huit demandes de permis entre 2016 et 2018 avaient été rejetées ou étaient restées sans réponse.

    Il s’est d’abord inscrit par le biais du processus officiel du ministère de l’Intérieur et a reçu l’autorisation de voyager après trois mois. Cependant, le jour prévu pour sa sortie par le point de passage de Rafah, un agent égyptien qui était sur place a déclaré qu’il jugeait son justificatif de voyage insuffisamment « convaincant » et lui a refusé le passage. Quelques mois plus tard, il a tenté de voyager à nouveau dans le même but, en optant cette fois pour le tanseeq et en payant 400 dollars. Cette fois, il a réussi à atteindre l’Arabie saoudite dans la semaine qui a suivi sa demande de voyage.

    Cet homme a indiqué qu’il aimerait partir en vacances avec sa femme, mais qu’il craint que les autorités égyptiennes ne considèrent pas les vacances comme une raison suffisamment impérieuse pour voyager et que sa seule option était de payer des centaines ou des milliers de dollars pour le tanseeq.

    En février 2021, un homme de 73 ans a voulu passer par Rafah avec sa fille de 46 ans pour subir une opération de remplacement du genou à l’hôpital al-Sheikh Zayed du Caire. Il a déclaré que Gaza n’avait pas les moyens de réaliser une telle opération. L’homme et sa fille sont des parents d’un membre du personnel de Human Rights Watch. Ils ont fait leur demande avec la procédure du ministère de l’Intérieur et ont reçu l’autorisation en un peu plus d’une semaine.

    Mais après avoir attendu plusieurs heures dans le hall égyptien de Rafah le jour du voyage, les autorités égyptiennes ont inclus le nom de la fille sur la liste des 70 personnes qui n’ont pas été autorisées à passer ce jour-là, selon la fille. Le père a montré aux agents de la frontière une note du médecin indiquant qu’il avait besoin de quelqu’un pour voyager avec lui en raison de sa situation médicale, mais l’agent lui a répondu : « Vous voyagez seul ou vous rentrez avec elle à Gaza. » Elle a déclaré qu’elle était retournée à Gaza avec 70 autres personnes et que son père avait ensuite voyagé par ses propres moyens.

    Cinq personnes qui ont réussi à passer par Rafah ont déclaré avoir été maltraitées par les autorités égyptiennes, notamment par des fouilles intrusives, et plusieurs d’entre elles ont dit avoir eu l’impression que les autorités égyptiennes les traitaient comme des « criminels. » Plusieurs personnes ont déclaré que les agents égyptiens leur avaient confisqué des objets pendant le voyage, notamment un appareil photo coûteux et un téléphone portable, sans raison apparente.

    Après avoir quitté Rafah, les Palestiniens sont transportés en bus jusqu’à l’aéroport du Caire. Le trajet dure environ sept heures, mais plusieurs personnes ont déclaré que le voyage prenait jusqu’à trois jours, entre les longues périodes d’attente dans le bus, aux points de contrôle et en raison d’autres retards, souvent dans des conditions météorologiques extrêmes. Beaucoup de ceux qui ont voyagé via le point de passage de Rafah ont dit que, pendant leur voyage, les autorités égyptiennes avaient empêché les passagers de se servir de leurs téléphones.

    Les parents d’un garçon de 7 ans atteint d’autisme et d’une maladie cérébrale rare ont déclaré qu’ils avaient cherché à voyager pour y recevoir un traitement médical en août 2021, mais que les autorités égyptiennes n’avaient autorisé que le garçon et sa mère à entrer. La mère a déclaré que leur voyage de retour vers Gaza avait duré quatre jours, principalement en raison de la fermeture de Rafah. Durant cette période, a-t-elle raconté, ils ont passé des heures à attendre aux points de contrôle dans une chaleur extrême, avec son fils qui pleurait sans arrêt. Elle a dit s’être sentie « humiliée » et traitée comme « un animal » et a ajouté qu’elle « préférerait mourir plutôt que de voyager une nouvelle fois par Rafah. »

    Un cinéaste de 33 ans, qui s’est rendu fin 2019 au Maroc par le point de passage de Rafah pour assister à la projection d’un film, a déclaré que le retour du Caire à Rafah avait pris trois jours, dont une grande partie passée aux points de contrôle, dans l’hiver froid du désert du Sinaï.

    Un homme de 34 ans a déclaré qu’il prévoyait de se rendre en août 2019 aux Émirats arabes unis via Rafah pour un entretien d’embauche en tant que professeur d’arabe. Il a expliqué que, le jour de son voyage, les autorités égyptiennes l’avaient refoulé, en affirmant qu’elles avaient atteint leur quota de voyageurs. Il est passé le jour suivant, mais a affirmé que, comme c’était un jeudi et que Rafah était fermé le vendredi, les autorités égyptiennes avaient obligé les voyageurs à dormir deux nuits à Rafah, sans leur fournir de nourriture, ni d’accès à une salle de bain propre.

    Le voyage jusqu’à l’aéroport du Caire a ensuite duré deux jours, au cours desquels l’homme a dit avoir traversé plusieurs postes de contrôle où les agents obligeaient les passagers à « mettre les mains dans leur dos pendant qu’ils fouillaient leurs valises. » En raison de ces retards cumulés de quatre jours par rapport à la date prévue pour son voyage, il a manqué son entretien d’embauche et a appris qu’une autre personne avait été engagée. Il est actuellement au chômage à Gaza.

    Étant donné l’incertitude du passage à Rafah, plusieurs habitants de Gaza ont dit qu’ils attendaient souvent d’arriver au Caire pour réserver leur vol au départ de cette ville. Réserver si tard signifie souvent, en plus d’autres obstacles, qu’il faut attendre pour trouver un vol convenable à prix raisonnable, prévoir des jours supplémentaires de voyage et dépenser plus d’argent pour des billets modifiables ou de dernière minute. Une logique similaire prévaut en ce qui concerne les voyages à l’étranger par le point de passage d’Erez vers Amman.

    Human Rights Watch a interrogé quatre hommes âgés de moins de 40 ans, munis de visas pour des pays tiers, que les autorités égyptiennes n’ont autorisés à entrer qu’en transit. Les autorités ont transporté ces hommes à l’aéroport du Caire et les ont fait attendre dans ce qu’on appelle la « salle des déportations » jusqu’à l’heure de leur vol. Les hommes ont comparé cette pièce à une « cellule de prison, » avec des installations sommaires et des conditions insalubres. Tous ont décrit un système dans lequel il faut verser des pots-de-vin pour pouvoir quitter la pièce et aller réserver un billet d’avion, se procurer de la nourriture, des boissons ou une cigarette, et éviter les abus. L’un des hommes a décrit un agent qui l’a emmené à l’extérieur de la pièce en lui demandant : « Ne voudriez-vous pas donner quelque chose à l’Égypte ? », et a déclaré que d’autres personnes présentes dans la pièce lui ont dit qu’il avait ensuite procédé de la même manière avec eux.

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    Le Figaro/AFP

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